Marjolaine
Elle est une arpenteuse, je crois. De cette famille qui parcourt, marche sans répit. Dans les côtes ardues, dans les plaines désespérantes, au milieu des arbres, des lacs et des déserts. Elle va. Sans carte en main, elle avance. Jusqu’à s’installer au coin du feu et dire : « Comment en suis-je arrivée là ? » Et en posant les mains sur ses joues, elle rit. Marjolaine marche et rit, cherche sans chercher réellement, jusqu’à trouver vraiment. Puis elle repart, creuse parfois des tunnels profonds parce que c’est là que sont les ombres à apprivoiser. Mais aussi, elle marche vers le ciel, lumineux, elle atteint ces espaces où il est possible de planer, de regarder d’en haut et de se satisfaire. Marjolaine, peut-être, est une arpenteuse insatiable, qui entraîne dans son sillage celles et ceux qui cherchent aussi, qui découvrent en marchant. Sur la route, Marjolaine abandonne comme on se déleste. Les voiles qui nous recouvrent, nous alourdissent, nous obscurcissent ; « Je n’ai pas fait le tour du monde, j’ai peu voyagé physiquement mais je l’ai fait intimement. Pour laisser aller ce qui n’est plus nécessaire.
Marjolaine est née à Sherbrooke et a rejoint Montréal avec sa famille à l’âge de 4 ans. Elle est devenue graphiste, puis elle a choisi de suivre les lueurs à l’horizon. Dans la nuit, elle a avancé vers elles, sans certitude, sans plan : « J’ai fait des choix que je ne comprenais pas vraiment mais qui étaient plus forts que moi. Je ne sais jamais vraiment comment j’en suis arrivée là où j’en suis arrivée mais je sais que la clé a toujours été dans les moments où je me suis choisie moi. » Marjolaine se dirige vers les soins énergétiques et fait basculer sa vie. Elle a 27 ans alors. Elle découvre la polarité, décide de suivre une formation de trois ans pour en devenir praticienne. Elle en découvre l’art, la façon d’être, les mains sur les corps pour en rééquilibrer les énergies, remettre en circulation ce qui bloque, retrouver une stabilité apaisante. « Pour chacune de ces découvertes, je ne savais pas précisément où j’allais. Mais je crois aux miracles. Je suis née comme ça mais je crois qu’avant, je n’avais pas assez confiance en moi pour m’écouter. Je me suis construite à une place de victime, mal-aimée, rejetée. Mais je ne suis pas ça ! On a souvent plus peur de sa lumière que de son ombre, comme nous le rappelle Marianne Williamson. À un moment de ma vie, j’ai choisi d’avancer vers ma lumière, de rire sans raison et d’être dans la joie même si. » Être dans la joie même si…
À un moment de ma vie, j’ai choisi d’avancer vers ma lumière, de rire sans raison et d’être dans la joie même si.
Marjolaine devient enseignante de yoga et depuis un an, officie à son propre compte. « J’ai suivi plusieurs formations en yoga dont le yoga du rire et le yoga du son. J’étais touchée par le mystère des mantras depuis de nombreuses années déjà ; cela m’appelait. La culture indienne me touche aussi, depuis toujours. Tout ceci m’a menée à questionner ces sujets du son et de la voix, du silence aussi. Jusqu’à développer un accompagnement spécifique pour amener chacun jusqu’à trouver le son de sa vérité intime. Ce ne sont pas des cours de chant mais des espaces de rencontres avec soi-même, via sa voix. On a tous une parole, même silencieuse. Le silence aussi fait son. » Ces accompagnements, Marjolaine les porte au sein de « Mā voix vibrante ». Sur le « ā », il y a ce trait comme un accent horizontal, hérité du sanskrit et qui signifie « déesse mère, source ». Marjolaine, l’enfant qui a longtemps bégayé, dont les mots sortaient « tout croche », désormais accompagne celles et ceux qui parfois se sont sentis comme invisibles, qui ont peur de s’exprimer librement, qui cherchent leur voix, avec un « x » et avec un « e ». Elle les guide pour que sortent d’eux, prennent place en eux la joie, la vie. À quelques lettres près, il est toujours question de voie.
On a tous une parole, même silencieuse. Le silence aussi fait son.
Marjolaine est à l’aise avec le vide. Peut-être même avec le chaos. Il me semble qu’il y a en elle une forme de souplesse solide, d’attention, de présence, et je me dis en l’écoutant que ses quêtes et ses détours sont comme des poches nourricières qui vont venir féconder tous ceux qui vont choisir d’être accompagnés par elle. « Je souhaite que chacun reçoive ce dont il a besoin. Je souhaite que chacun se sente illimité. Moi, j’ai erré longtemps. Aujourd’hui, j’accepte que les fluctuations soient une forme de stabilité. Je peux offrir aux autre un espace et un regard sans aucun jugement. Je peux apporter de la confiance et de l’abandon pour que chacun trouve son espace de richesse, rencontre son intensité et sa douceur propres. C’est là que je veux vivre désormais, là où cela fait du bien, où l’énergie circule. »
Dans ce petit café du quartier italien de Montréal, le son ambiant est soudainement monté d’un cran. Il y a un match à la télévision. Cela aurait pu être inconfortable. Tout ce bruit qui empêche de bien entendre. Mais étrangement, la voix de Marjolaine me parvient, son rire aussi. Je sais que face à moi, elle capte tout un tas de sensations et de vibrations qui m’échappent. Je sais pour l’avoir vécu lors d’une séance de méditation qu’elle guidait, que sa voix et son attention peuvent être de doux guides pour, soi-même, trouver une voie, un espace qui fait du bien. J’ai envie de la rejoindre là où elle officie, sur ces terres où elle propose de cheminer pour que chacun ose libérer ce qui sommeille ou tremble en lui. Une voix libre, une voix pleine, une voix à sa place, cela doit être si puissant. Les expériences de Marjolaine me semblent être comme autant de cartes pour guider les autres. Mais je me trompe sans doute ; Marjolaine n’est pas là pour montrer un chemin, elle est là pour que chacun, chacune trouve le sien. Pour qu’en lui, en elle, se dessine tranquillement une trace heureuse, grande ouverte. Vibrante.
Marjolaine est une arpenteuse, il me semble. Une femme qui avance sans savoir et qui ainsi, nous montre que nous aussi, nous pouvons trouver notre voie. Elle avance, pose des jalons comme des petits drapeaux pour délimiter un espace. Je m’imagine la suivre, définir mon espace à moi sur Terre et y prendre toute ma place.
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