02. Déc 2025 | Par Xavier et Aurélie

Manon

Manon par Xavier : 180°

Nous sommes mercredi, le troisième jour de la semaine, jour des enfants. Robin et Montaine, appréciant particulièrement l’isolement, peuvent rester seuls ensemble, avec quelques consignes qui cadreront la journée d’étudiants que nous leur proposons :

> Sans la citer, l’une des deux ne devra pas toucher à ce qui chauffe suffisamment pour brûler, et coupe suffisamment pour couper. C’est donc Robin qui se chargera de faire la popotte.

> Le budget course est de 16$CA pour un repas complet et équilibré.

> Une sortie d’une heure de marche est obligatoire.

> Le reste leur appartient, et nous seront contents qu’ils nous le racontent ce soir.

De mon côté, je sais comment bien commencer cette journée : courir, transpirer, souffler, marcher, me doucher. Un mocaccino sucré au sirop d’érable viendra parachever ma routine matinale et faire transition avec le second début de journée.

Un mois plus tôt, Aurélie et moi sommes au café des habitudes pour un moment doux à deux. Nous parcourrons les livres proposés à la vente avec l’envie de garder, en plus du bon goût des boissons chaudes et de la créatrice du lieu, quelque chose d’ici.

L’errance calme et courte que nous nous offrons en parcourant le lieu nous amène à poser les yeux sur un livre, « A la croisée des chemins » à la fois le nom de l’ouvrage de Manon, et l’expression synthétisant le mieux la phase de vie que nous traversons. Nous sommes contents de l’avoir entre nos mains et de savoir que nous partirons avec.

Nous souhaitons rencontrer Manon. Aurélie lui écrit. Nous lisons le livre. Manon est enthousiaste à l’idée de partager avec nous. Il aurait été compliqué de faire plus simple.

Nous avons RDV avec Manon dans ce même café, à une petite heure de marche louée par le plein air relatif de la ville, et la présence d’Aurélie. Fort des heures passées à la lire Manon, j’ai davantage l’impression de la retrouver que de la rencontrer. J’étais avec elle plusieurs fois pour quelques pages avant de dormir, ou pour quelques chapitres dans le canapé du salon, près de notre fausse cheminée électrique. Cela rend la rencontre incarnée beaucoup mois sujette aux aléas de la timidité, ou à ce genre de barrières autobloquantes, parfois surprotectrices.

Lorsque nous arrivons, Manon est au comptoir et commande un thé. Elle irradie tellement que nous la reconnaissons de dos, cependant mis sur le voie par ses vêtements colorés, ses boucles d’oreille roses et de cheveux brunes.

Nous allons à sa rencontre, Manon se tourne vers nous et son visage entier nous sourit. Instantanément, tout un arsenal rassurant de création de lien se met en place, nous accueille et nous dit je vais aimer ce qu’il y a au fond de toi, parce que je sais. Je sais qu’il y a quelque chose de bon chez chacun et je sais le trouver quand nos voi.x.es se rencontrent, échangent et partagent.

Je commande un mocaccino, ma boisson du moment, sucrée et caféinée, adulescente par essence. Aurélie commande un chocolat chaud au lait d’avoine exempt d’addictions torréfiées. Manon nous installe dans un coin de la salle, qu’elle connaît bien : sa colocataire produit les cookies qui sont vendus ici, et toute une constellation de fées, dont elle fait partie, gravite autour de ce lieu. C’est un lieu magnétique et me semble-t-il, un formidable relais d’énergies.

Je suis plus habitué à travailler avec des couvreurs que sous des plaids, et en chaussures de sécurité plus qu’en chaussons de laine, ce qui m’a valu de passer un petit cap pour me laisser conquérir par ce lieu, lorsque j’y suis entré pour la première fois. Une respiration, une reconnaissance des lieux, un temps avec Aurélie et un cookie plus tard, nous étions liés. J’adore les lieux. Ils me parlent et me passionnent.

Manon voit les peurs comme des écrans de fumée qu’il faut traverser. Elle aime ses peurs, et ne cherche jamais à les rejeter. Elle les accueille, s’en imprègne, communique avec elles, les écoute avec attention, puis tâche de comprendre leur message profond. Que veux-tu exprimer ? Sache que tu es digne d’être aimé. Tu as quelque chose à dire et tu es aimable. Ces phrases sont au cœur du pouvoir actif de Manon. Elle les formule avec ses silences, ses sourires, ses yeux bruns et blanc et si besoin, ses mots. Elle aime particulièrement communiquer avec les adolescents, qu’elle aide à s’exprimer et se révéler pour mieux trouver leur place.

Il y a en elle une part de magie, dans la façon qu’elle a de faire langage avec un enfant introverti par un fonctionnement neurologique atypique. L’absence de codes et de conditionnements est son terrain de jeu, chaos dans lequel chaque élément a sa place d’unité. Avec elle, chacun est autorisé à se proposer entièrement au monde. Qu’est-ce qu’elle fait comme bien.

Le retour du réel permet parfois de transformer une opinion en vérité, et force est de constater que j’ai souvent associé à des résultats simples des travaux complexes et compliqués, au point d’en faire une règle véritable, que Manon ne transgresse pas. Elle nous offre une simplicité d’accès, d’échanges et de partages intimes accouchés par de vrais combats. Elle est sa seconde mère, désormais en paix avec la première, ayant remis au monde une version purifiée d’elle-même.

Manon, qui aime imager les concepts, visualise les humains comme des porteurs de bougie. Chacun a sa lumière, la dévoile et la protège. Grisée par sa contagion lumineuse et l’envie d’éclairer le monde, Manon nous explique s’être épuisée, son énergie ayant aussi ses limites. Elle a besoin de temps pour se ressourcer, seule, dans un ailleurs abritant et retiré. Partager son énergie nécessite de se ressourcer, et de visualiser ses jauges internes, ce qu’elle est en mesure de faire maintenant. Chacun doit trouver son énergie solaire, et Manon sera l’étincelle plus que le flamme.

Le monde continue à tourner autour de nous. Des gens viennent, s’installent, boivent et mangent un morceau, repartent, mais à l’intérieur de nos 3 chaises, le temps s’arrête et nous regarde partager ce moment ensemble. Manon est pleinement dans l’échange équilibré, nous pose des questions sur notre vie, notre voyage et notre famille. C’est troublant de gentillesse.

Qu’a-t-on à gagner à se vêtir d’une couche de pessimisme faussement protecteur ? Peut-on se poser la question de ce que nous coûterait une vision par le prisme d’un optimisme enchanteur ? Ces questions méritent au moins d’être posées pour nous alléger, et le temps d’y penser se proposera à nous dans un moment méditatif.

J’exerce souvent le métier de charpentier. J’aime ce qui est solide, durable et fiable. J’ai l’esprit triangulaire. Échanger avec Manon distille de la douceur pétillante dans chaque recoin de votre être et, pour un moment privilégié qui ne demande qu’à durer, fait de vous quelqu’un qui est, quand vous vous escrimez à être quelqu’un qui fait. C’est déconcertant et plaisant. Son triangle à elle relie sa tête, son cœur et son corps. Des moments d’introspection lui offrent l’opportunité de visualiser ces trois polarités, de les écouter, de leur donner leur juste place. Son cœur l’invite, sa tête projette et son corps agit. Ils ont tous la parole et Manon tranche en pleine confiance, choyant son cœur. Elle dit tout est possible, il faut poser une intention qui nous anime, manifestée par le cœur, entendre la part d’angoisse drapée par notre tête, puis agir en connaissance de corps et de cause. Sous forme de courants ascendants plus que de vents contraires, l’univers se manifestera pour jalonner notre projet d’heureux hasards. Faire le choix fort d’écouter son cœur, en dépit des conditionnements sociaux et familiaux, de critères de réussite dictés par le pouvoir et l’argent, nécessite une volonté forte et sauvage que Manon préserve et chérie.

Elle maîtrise aussi bien les 180° du triangle qui équilibre ses pôles que ceux du grand écart entre fermeté et douceur, la première pour faire le choix de s’écouter et d’agir fort, la seconde pour ressentir et partager. Plus de deux heures sont passées et nos 3 chemins doivent se séparer plus ou moins longtemps. Aurélie va s’occuper d’elle pour une séance de soin énergétique avec Marjolaine, et je vais me faire tatouer un triangle plein de sens.

Manon par Aurélie

Je me souviens d’une interview de l’auteur et illustrateur bédéiste Manu Larcenet, dans laquelle il disait que dessiner le scintillement, sur l’eau par exemple, était selon lui le plus difficile. Je pense à lui au moment de raconter Manon Franco. Comment raconter la lumière ? Comment raconter la lumière qui émane d’une personne ? Bien sûr, il y a les yeux sui sourient et le sourire qui pétille. Mais sinon ? Je ne peux pas croire qu’il ne s’agisse que d’une histoire de sourire, de formes que prendrait un visage. Ni même de toutes les couleurs vives des vêtements de Manon. Il faut s’approcher un peu je crois, et écouter, pour saisir ce qui irradie. Et chez Manon, il me semble que sa lumière se trouve aussi dans une forme de cocktail où dansent la joie, la curiosité, la spontanéité, l’ouverture, l’émerveillement. Où s’intercalent aussi les questions, les traversées, les doutes, les recherches. Pas de facilité. On rayonne aussi depuis la berge de ses ombres. Cela me semble fade, exprimé ainsi. Je me dis qu’il y a aussi quelque chose de l’ordre de l’expression : Manon dit ce qu’elle ressent, formule ce qu’elle trouve dingue, incroyable, et surtout beau. Elle dit souvent : « Mais que c’est beau ! »

Après avoir oeuvré auprès des adolescents, à tenter dans la joie et l’attention de révéler leur pépite, Manon accompagne aujourd’hui les femmes à libérer leur intérieur. Un héritage de ses voyages : « Quand je rentre de voyage, je trie, je range, je m’allège. » Et voici un processus dont la valeur dépasse bien largement le seul fait de délester son armoire de quelques pantalons trop petits. « J’adore la sensation de légèreté que cela provoque chez moi, cela me donne de l’énergie. » Elle change de métier dès lors et accompagne celles et ceux qui ressentent le besoin d’alléger leur intérieur pour habiter pleinement leur vie. Un cheminement matériel (on garde vraiment des choses inutiles et encombrantes parfois), émotionnel (Manon a une formation de coach en parallèle), et énergétique (elle utilise l’antenne de Lecher pour réharmoniser les intérieurs). Un nouveau métier qui comble tout ce que Manon est ; « Je suis en train de devenir la femme que j’écoutais en podcast et qui m’inspirait, je l’incarne ! » Et il n’est pas uniquement question de métier : « Ce qui m’intéresse, c’est ce qu’on est entièrement, y compris en dehors de son métier. « Tu fais quoi dans la vie ? » est une question qui me fige. Je suis une boule à facettes, je ne me réduis pas à mon métier. Aujourd’hui, j’organise ma vie de façon complète, pas uniquement autour de mon travail. Je pense à mes activités, à mes relations. Et au final, je travaille, allez j’ose le dire, quelque chose comme 15 heures par semaine. »

À y regarder de plus près, je me dis que la lumière de Manon se trouve dans ce double élan : une centration profonde, un alignement sincère, quelque chose de l’ordre de l’équation intime – Manon semble s’être rassemblée elle-même, dans toute sa diversité – et une ouverture toute aussi profonde, une attention au collectif, une fécondité tirée des autres qu’elle regarde, qu’elle écoute, avec lesquels elle entre en relation et connexion d’une façon spontanée, simple et sensible qui peut même désarçonner. « Le collectif est indispensable à notre survie. C’est l’étincelle de chacun qui nous permet d’être pleinement nous-même, pour le bien de l’humanité. » Manon a choisi ses trois meilleurs amis : « Mon coeur, mon esprit et mon corps. Je les visualise, je les vois danser ensemble. Mon coeur me donne la première impulsion, mon esprit organise, mon corps met en action. C’est ce qui me permet de sentir si quelque chose est juste pour moi. Si je sens un sourire sur mon visage, mes yeux qui pétillent, alors c’est bon pour moi. J’ai choisi de faire confiance à mes premières sensations. Ensuite, les choses s’organisent. Il y a vraiment des solutions à tout. La vie orchestre. » Manon dit tout ça simplement, en s’interrompant pour poser des questions et pour écouter elle aussi. « Je cherche à être au plus proche de moi. Je m’habite. Peu importe où tu es dans le monde, tu es chez toi si tu es ta priorité. Cela dépasse la notion de lieu. » Manon a choisi la confiance, la foi, cet élan qui n’a pas toujours été naturel chez elle et qu’elle continue de travailler. C’est ce qui m’avait marquée dans son livre ; le récit d’une jeune femme qui découvre qu’elle peut dépasser la peur pour choisir ce qui est bon pour elle. Manon ne savait pas le faire a priori. Elle a dû apprendre. Elle a sauté dans le vide. Parce qu’aller vers ce qui nous effraie, c’est sauter dans le vide. « J’ai fait l’expérience, concrète, avec mon corps, lors de mes voyages, du fait que la magie de la vie existe. J’étais dans l’insécurité, j’avais l’imprévu en horreur, je prévoyais tout. Et puis, avec mon amie Clara, en voyage, j’ai découvert que cela pouvait être autrement. J’ai découvert un nouveau monde et j’adore le rejoindre, j’adore me laisser aller au jeu de l’existence maintenant. J’ai fait de l’insouciance, la spontanéité, l’inconnu, l’imprévu mes compagnons de route. Il est possible d’avoir ce qu’on veut dans la vie. Il ne faut pas toujours chercher mais il faut attendre, se rendre disponible, avoir posé clairement ses intentions. Maintenant quand j’ai peur, j’y vais. Je traverse la peur et je fais ainsi l’expérience du fait de ne pas être morte. La peur est un écran de fumée, un nuage. C’est vertigineux de réaliser ses rêves parce qu’il y a quoi après ? Quand je suis partie au Népal, j’étais seule, en sac à dos, auprès de moines, sans parler anglais ; l’intensité de ce voyage de trois mois m’a épuisée au bout de deux semaines. J’ai paniqué. Et quand je suis rentrée, je suis passée par la France avant de revenir à Montréal, je me suis vraiment demandé quel sens donner à ma vie après ça. J’ai pensé au pire parce que j’étais perdue. Mon ex-compagnon m’a aidée. Il m’a fait du bouche à bouche. Après ça, je m’en suis remise à mon intuition. Je me suis demandée ce que j’aimais faire, ce qui ne me demandait pas d’effort, ce que je faisais simplement, en douceur. Et j’ai créé ma nouvelle activité de libération des intérieurs. » Et voilà ? Voilà oui. Manon ne dit pas que c’est simple mais que c’est possible. « C’est tellement courageux de se choisir, de décider pour soi. J’ai choisi de faire confiance, de me faire confiance. Les bonnes personnes, les bons projets arrivent aux bons moments. Mon mantra, c’est : tout est possible ! »

Manon n’est pas venue chez nous, nous n’avons pas exploré nos placards pour voir ce dont nous pouvions nous alléger et nous libérer. Pourtant. Partager près de trois heures de conversation avec elle, dans ce Café des habitudes qui invite à questionner nos impacts, allège et libère. Manon, avec sa douceur et son rayonnement, est une sorte de main discrète qui vous remet tranquillement sur le chemin. Tu déviais, tu te perdais, regarde, va voir de ce côté-là, reviens sur ce chemin, choisis-toi. Je ne sais pas s’il est question de coaching, de développement personnel ou de quoi que ce soit de cet acabit, je vois juste, je constate qu’il existe des personnes comme Manon, qui ont choisi de cheminer, qui font chaque jour le travail fastidieux de reprendre le micro à la petite voix en elles qui essaie de les saboter, pour porter leur voix à elles, pleines et entières. Et qui le partagent avec les autres.

J’invite chacun, et peut-être particulièrement nos adolescents, à lire le livre de Manon. Elle y fait le récit d’un chemin qui se dessine petit à petit, elle nous démontre comme rien n’est écrit d’avance et que tout peut se choisir, trouver sa forme au fur et à mesure. C’est la première fois de ma vie que j’offre une présence à quelqu’un : nous avons demandé à Manon si elle acceptait de rencontrer notre fille Montaine. Elles ont partagé un moment au Columbus café de l’avenue du Mont-Royal à Montréal. S’offrir un peu de Manon, c’est du miel, du courage, de l’inspiration. C’est une grande chance.

Nous sommes officiellement invités à traverser les écrans de fumée de nos peurs ; derrière, il peut y avoir du grand, du beau, du flamboyant. Derrière, nous sommes là, nous nous attendons avec nos sourires et notre lumière.

Découvrez Manon sur son compte Instagram

Et sur son site web « Libératrice d’intérieur »

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